Azumi Maeda (80%)

Une musique rockeuse résonnait dans la chambre. Une main engourdie sortait de sous un oreiller pour venir hasarder sur la table de chevet. Le silence revenait, puis le bras s’étendait inerte sur le matelas. Une bonne minute s'écroula. Préférant la chaleur douillette de ses couvertures, Azumi se retournait sur le dos, prête à repasser dans le pays des songes. Au lieu d'y retourner, la brunette observait de ses yeux mordorés encore dans les vapes, le plafond terne.

Il pleuvait. La pluie se fracassait sur la fenêtre. Encore une autre journée monotone. La jeune fille réprimait un grognement sourd, en se dépêtrant de ses couvertures. Ses petits pieds nus frôlaient le plancher. Elle ramena ses cheveux vers l'arrière, elle laissait quelques jurons à voix basses lorsque ses mains passaient à travers les nœuds. Elle s'emparait d'une brosse, les peignant, puis les attachait en un minuscule chignon à l'aide d'un crayon et d'un élastique qui trainait sur la table de chevet. Azumi n'avait guère l'envie de passer sa chevelure brune sous le fer plat, les bouteilles de gels et de parfums. Autant se contenter d'un peu de naturel pour cette fois-ci. Elle s'étirait de tout son saoul, avant de décoller ses fesses de son matelas.

Ses jambes fuselées tremblèrent quelques instants. Sa fine silhouette se découpait dans la pénombre. D'apparence assez délicate et dont le teint balzane ressortait avec les quelques jets parmi l'obscurité. Son corps de jeune fille se situait dans le juste milieu entre la taille fine et légèrement enrobée. Elle s'avançait, longeant sa commode-miroir pour se retrouver dans un long corridor. À peine venait-t-elle de franchir le seuil qu'un flash l'inondait et par pur reflexe de pudeur qui l'obligeait de couvrir sa brassière avec une main.

Le brusque changement de luminosité, lui faisait l'effet qu'une grosse loupe illuminée venait de brûler sa rétine avec de l'acide. Elle refermait les paupières, puis pressa avec son pouce et son index sur ses paupières, comme pour exorciser de sa mémoire le brusque flash, elle vacillait vers l'arrière tandis qu'un rire familier fusait à ses oreilles.

Monsieur Toharu avait dû mettre son plan à exécution. Sans se soucier de la silhouette en face d'elle, Azumi logeait le mur en se cognant l'épaule dans le chambranle, lorsqu'elle voulait entrer dans le petit studio qu'elle avait aménagé. Elle ravala son dernier juron. Qu'il fait ce qu'il désirait avec sa photographie...

Elle refermait vivement la porte derrière-elle. La jeune femme s'assura de n'être pas déranger par cette personne en verrouillant la poignée de l'intérieur. Mon Dieu... il n’y n'avait aucune limite pour son intimité. Elle s'assoyait sur le premier fauteuil blanc qui lui disait coucou, en soupirant, la tête enfouie entre ses mains. Elle avait quelques questions qui la bousculaient tandis qu’elle sentait son ventre se creuser sous la faim qui la tenaillait. Qui était cette personne ? La connaissait-elle ? Si oui… Comment elle avait pu entrer dans sa demeure ? Pourquoi voudrait-elle la photographier dès son lever de lit… surtout en petite tenue. Elle entendait des pas se rapprocher sur le plancher. Azumi préférait fixer une affiche de son ancien groupe Blast Scream qui tapissait le mur crème et en détourner le regard lorsqu’elle entendait des tambourinements discrets sur sa porte.

Les yeux en détresse, elle fouillait la pièce pour trouver une arme défensive. Rien ne pouvait lui être utile... Si ce n’était que son crayon dans sa chevelure. Vivement, elle s’en emparait. Qu’il lui foutait la paix ! qu’elle lui cria en sourdine. Elle s’approchait de la porte. Les coups avaient cessé. Le silence régnait et Azumi n’entendait que la pluie tomber dans la fenêtre. Elle hésistait longuement avant d'ouvrir la porte. Des coups plus discrets, la firent sursauter, elle déserrait sa main et son arme roulait en dessous de la porte… Cette fois-ci retentissait et une voix rauque. Masculine.

«Hey... Azu... Tu ne veux pas m'ouvrir ? C'était une blague»

Elle réalisa subitement que ce n'était pas un inconnu, mais que c’était Shintsuo. Elle avait du l'inviter à dormir et engourdie par les événements, la brunette ne s'en était pas rendu compte. Il était son bassiste et il composait à ses heures comme elle. Lui aussi, il en avait eu ses difficultés avec la dissolution au sein du groupe Blast Scream et puis, il était le seul qui était resté à ses côtés. Embêtée, l'adolescente lui ouvrait la porte tout en s'accotant contre le chambranle. Elle le toisait avec une figure mauvaise, malgré la fragilité qui régnait son esprit. Il était assez beau garçon avec sa teinture rouge et ses iris lavande et il fallait dire que son corps grec le faisait souvent craquer...

«Ne me fais plus ce coup-là.»

Azumi aboyait plus souvent qu'elle mordait. C'était parce qu'elle n'avait jamais été capable de surmonter le fait qu'il s'amusait à la faire paniquer dès le matin. Et qu'impulsivement, elle montait sur ses chevaux, pour montrer son désaccord... Le fait de faire du bruit pour rien, faisait partie de sa vie et elle s'en formalisait pas. Même quand elle lui parlait sérieusement, Shintsuo s'amusait à faire le pitre et sur le coup, elle regrettait toutes ses confidences et elle l'envoyait se balader avant d'offrir un sourire pale et de changer de conversation, ravalant ses plus mauvais sentiments à l'égarde la personne en face d'elle. Pour rester sur sa lancée pour... rester dans la continuité. L'adolescente croisait ses bras sous sa poitrine et tapait du pied en attendant des excuses qui n'étaient venues par une moue semi-innocente. Le regard déterminé de la demoiselle semblait briller d'un nouvel angle.


Il y avait des moments où elle pensait que le sérieux ne pouvait pas être coupé par le comique... Mais, il ne fallait pas croire qu'elle était de ces gens coincés. Certes, elle paraissait tranquille, mais elle était plutôt très sociale envers n'importes qui... C'était à cause de ce défaut qu'elle avait pu dénicher Shintsuo pour Blast Scream. Aussitôt que le bassiste lui offrait une moue innocente, la jeune fille lui passait sous le nez, en lui décrochant au passage un léger coup de pied dans le tibia. Façon de lui rendre la pareille...

Elle éclatait d'un petit moqueur en se dandinant jusqu'à dans la salle de bain où elle revêtit un peignoir, puis continuait vers la cuisine où elle fouillait dans le frigidaire et en ressortait les restants du repas du soir : crevettes panées et deux bols de nouilles au cari. Elle ferait réchauffer le tout... Après un rapide coup d'oeil à l'horloge, elle constatait qu'il était dix heures. Indécise, elle déposait les plats sur le comptoir. Autant faire une pierre de deux coups... En se retournant, elle voyait le jeune homme accoudé à l'ilot de marbre et penché sur son petit cellulaire.

«Alors, Shin, c'est quoi le programme pour la journée ? »